Celui qui souhaite engager une action en contrefaçon d’un droit de propriété intellectuelle dispose d’une option entre la voie civile et la voie pénale.  Cela est trop souvent ignoré mais la contrefaçon constitue un délit pénal qui peut être sanctionné par les juridictions répressives (voir principalement, les articles  L. 335-1 à 335-9 du CPI pour les droits d’auteur, L. 521-9 à 521-3 du CPI pour les dessins et modèles, L. 615-12 à L-615-16 du CPI pour les brevets et L. 716-9 à L. 716-13 du CPI pour les marques).

 

En pratique, la voie pénale est assez peu utilisée par les titulaires de droit qui préférèrent très majoritairement la voie civile. Selon un rapport parlementaire de 2009, seule une action sur quatre serait portée devant le juge pénal.
Les raisons avancées sont multiples :

  • La faiblesse de l’indemnisation au pénal (ce qui n’est pas toujours évident ; par exemple, récemment, l’administrateur d’un site de Torrent a été condamné à 5 millions d’euros pour violations de droits d’auteur [Tribunal correctionnel de Chalons en Champagne, 14 septembre 2016])
  • L’absence de spécialisation en propriété intellectuelle des juges au pénal
  • La durée des procédures
  • La méconnaissance des règles de procédure pénale par les praticiens de la propriété intellectuelle

La question de la prescription de l’action pénale ne semblait pas constituer un frein. Pourtant, devant le juge pénal, le délai de prescription était de 3 ans alors que depuis les lois du 17 juin 2008 (pour le droit d’auteur) et du 11 mars 2014 (pour les autres droits de propriété intellectuelle), le délai de prescription est de cinq ans par la voie civile.
Or, depuis la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de prescription pour les délits est de six ans (article 8 du Code de procédure pénale : « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. »).
La nouvelle règle de prescription est d’application immédiate, et même si les faits commis sont antérieurs à la nouvelle loi, selon l’article 112-2, 4° du Code pénal, sous réserve que ces faits n’aient pas été prescrits sous l’empire de la loi ancienne avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Il est possible que ce délai augmenté ait pour conséquence une augmentation du contentieux pénal de la contrefaçon notamment si les faits en cause seraient prescrits selon le délai de la voie civile.

Il faut rappeler aussi que la contrefaçon constitue aussi un délit douanier (articles 38 et 414 du Code des Douanes). Or, selon l’article 351 du Code des Douanes, « l’action de l’administration des douanes en répression des délits douaniers se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l’action publique en matière de délits de droit commun. ». Le délai de prescription de l’action des Douanes est donc désormais également de six ans à compter du jour de la commission de l’infraction.

En application de ces nouveaux délais, il convient d’être vigilant pour tous les praticiens de la propriété intellectuelle dans leurs analyses de risque puisqu’il faudra tenir compte de ce nouveau délai à la fois pour la contrefaçon elle-même mais aussi pour l’évaluation du préjudice subi. Une année de préjudice supplémentaire peut représenter un montant considérable.

Jérôme TASSI

 

 

 

L’article a également été publié sur Village de la Justice.