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La société Hint Hunt Paris (HHP) indique être la première société à avoir importé le concept d’Escape Game en France, en bénéficiant d’une licence d’une société britannique. La société HHP avait mandaté une agence immobilière (Camaé, dirigée par la société Indis) pour trouver un local adapté et, pour faire bref, la présidente de Indis a ensuite créé la société Toogoood pour exploiter un lieu d’Escape Game sous le nom « Happy Hour Escape Game».

 

La société HHP reprochait pas moins de sept griefs à la société Toogoood, sur les fondements de la concurrence déloyale et le parasitisme. Cet arrêt est donc une bonne occasion pour rappeler les règles de droit applicables à ces griefs fondés sur l’article 1240 du code civil.

 

Le parasitisme

 

La Cour d’appel rappelle les règles de droit applicables au parasitisme :

 

« Le parasitisme est le fait, pour un professionnel, de se placer dans le sillage d’un concurrent et de tirer profit, sans contrepartie, du fruit de ses investissements et de son travail ou de sa renommée ‘sans porter atteinte à un droit privatif ‘, en réalisant ainsi des économies considérées comme injustifiées.

Pour qu’il y ait parasitisme, il faut que soit préalablement établie l’existence d’une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants, ou d’un nom commercial jouissant d’une réputation ou d’une notoriété particulière, résultant notamment d’une publicité très onéreuse et quasi permanente et représentant une valeur économique importante en soi.

Par ailleurs, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme »

 

La société HHP reprochait à la société Toogoood d’avoir repris le concept de l’Escape Game dont elle serait à l’origine en France.

 

Le parasitisme est écarté car HHP a échoué à démontrer des investissements intellectuels ou financiers importants pour la réalisation du concept, la seule prise d’une licence d’une société étrangère n’étant pas suffisante. La Cour relève également qu’il n’y a pas eu de campagne promotionnelle coûteuse.

 

Les actes de concurrence déloyale reprochés à la présidente de Toogoood

 

Il était reproché à la présidente de la société Indis, dirigeante de la société Camaé, mandatée par HHP pour trouver des locaux d’avoir utilisé des informations de HHP pour créer son propre Escape Game via Toogoood.

 

Le grief est également écarté pour défaut de preuve d’utilisation des informations de HHP mais également car les informations avaient, en tout état de cause, été remises à Camaé, personne juridiquement distincte de sa dirigeante (Indis) et de sa présidente. Aucune faute personnelle détachable de ses fonctions ne peut lui être reprochée.

 

HHP reprochait notamment à la présidente de Toogoood d’avoir acquis un savoir-faire lors d’une visite de la régie du jeu de HHP. Outre que ce savoir-faire n’est pas établi selon la Cour, celle-ci relève qu’« il apparaît douteux qu’une société normalement prudente laisse un accès à de simples visiteurs à des savoirs qu’elle considère comme dignes de protection ». L’absence de tout accord de confidentialité est ici sanctionnée.

 

La copie des signes distinctifs

 

HHP reprochait à Toogoood d’avoir utilisé un nom proche du sien puisque le nom exploité par Toogoood était « Happy Hour Escape Game». La demande était basée sur le nom commercial et non pas sur une marque.

 

La Cour rappelle les principes applicables :

 

« La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée ».

 

La Cour d’appel écarte ce grief : « il n’existe aucune similarité entre son nom commercial et celui de la société Toogoood. En effet, le nom commercial de cette dernière est composé de quatre mots qui sont toujours utilisés ensemble: « Happy hour Escape Game» et dont la signification en anglais est différente des mots « Hint Hunt ». Le seul point commun de ces noms commerciaux étant les premières lettres « H » des deux premiers mots ».

 

De même, les logos sont suffisamment différents pour écarter toute confusion.

 

La copie du site Internet

 

HHP reprochait encore à Toogoood d’avoir repris une partie de l’architecture de son site Internet.

 

La banalité des présentations et des contenus des sites écarte tout comportement fautif : « le seul fait que les deux sites emploient des rubriques déroulantes similaires ne caractérise aucune imitation fautive alors que de nombreux sites internet utilisent les mêmes rubriques déroulantes, lesquelles sont donc banales. En outre, le contenu de l’information délivrée sur les deux sites peut présenter une similarité sans que cette similarité ne soit fautive dès lors que le site concerne des jeux similaires destinés aux mêmes publics. »

 

La copie de la stratégie commerciale

 

La Cour d’appel rejette laconiquement ce grief : « le fait pour les deux sociétés de proposer aux joueurs d’être pris en photographie sur un fond avec le « logo » social ou encore de proposer des bons cadeaux ou d’organiser des jeux concours est usuel et ne caractérise aucune copie fautive par la société Toogoood de la stratégie commerciale de son concurrent ».

 

Le dénigrement

 

Le dénigrement d’un concurrent consiste à jeter le discrédit sur la personne, l’entreprise ou les produits ou services concurrents en répandant dans le public des informations malveillantes.

 

HHP reprochait à Toogoood un mauvais avis sur Tripadvisor. La faute est écartée car l’acte dénoncé n’est pas imputable à la société.

 

L’utilisation d’adwords

 

Toogoood avait utilisé le mot-clé « hinthunt » pour une annonce commerciale renvoyant vers son propre site.

 

Conformément à la jurisprudence désormais constante, le fait pour une société d’utiliser, sous la forme de mots-clés employés dans le cadre d’un service de référencement, la dénomination sociale et le nom de domaine d’un concurrent peut générer un risque de confusion fautif. Toutefois, le risque de confusion ne découle pas ipso facto de l’emploi à titre de mot-clé du nom commercial ou de la dénomination sociale d’un concurrent et doit donc être établi.

 

La faute est écartée au regard de la présentation de l’annonce commerciale de Toogoood qui empêcherait la confusion : « il résulte des éléments produits aux débats que cet achat ne pouvait susciter aucune confusion par rapport à un consommateur d’attention moyenne alors que le lien renvoyant vers le site internet de la société Toogoood contient les mots « Happyhourescapegame.com » et est précédé de la mention « annonce » encadrée en jaune. Cette « annonce » permet à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de déterminer aisément qu’il n’existe aucun lien entre le site internet de la société Toogoood et les produits de son concurrent connus sous le nom commercial « Hinthunt ».

 

 

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Cet arrêt démontre la difficulté de protéger un concept sur la base de la concurrence déloyale lorsqu’il n’y a pas eu d’investissements humains, matériels ou financiers importants. Ici, un accord de confidentialité et de non-utilisation (voire de non-concurrence) signé avec l’agence immobilière aurait sans doute facilité la protection du concept d’Escape Game. En effet, HHP ne pouvait pas imaginer a priori que l’agence immobilière pourrait devenir indirectement un concurrent mais une bonne protection de ses informations nécessite de faire signer systématiquement un accord de confidentialité et de non-utilisation.

 

 

Jérôme TASSI

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